Skhèma – Rhèma : métrique, prosodie, musique, danse, iconographie

Type d'annonce: 
Appel à communications
Lieu: 
Nice
Date du colloque: 
Jeudi, 23 Avril 2015 - Samedi, 25 Avril 2015
Institution(s): 

Université de Nice Sophia – Antipolis

Discipline(s): 
Grec
Discipline(s): 
Latin
Discipline(s): 
Linguistique
Programme: 

 Mouvement et contour dans la performance antique

Colloque organisé par M. Biraud, A.-I. Muñoz, S. Perrot et M. Steinrück
Université de Nice Sophia – Antipolis 23-24-25 avril 2015

Dans le vocabulaire de la danse, la figure s’oppose à la posture en ce qu’elle inclut un mouvement que la posture fige, puisqu’elle en est le résultat. Même tension se joue entre les deux versants de skhèma : volume ou contour en géométrie, traits mobiles (vêtements), semi-mobiles (démarche), ou fixes (forme de la tête) lorsque skhèma s’applique à classifier un objet ou une personne, tout un spectre d’acceptions auxquels M. L. Catoni a consacré en 2005 son ouvrage La comunicazione non verbale nella Grecia antica. Gli skhèmata nella danza, nell’arte, nella vita. C’est du contexte de la danse, où le mot désigne le contour du corps ou du geste, que proviendrait tout un assortiment de formules iconographiques, de skhèmata communs à la sculpture ou la peinture.
Le mot a commencé dès le IVe siècle avant notre ère à glisser du côté du statique : lorsqu’Aristote, Métaphysique 985b17, cite les atomistes Leucippe et Démocrite, il éprouve le besoin de traduire à l’usage de ses contemporains le mot tropos par ce qu’il considère comme l’équivalent à son époque, skhèma. Quant à Théophraste, disciple d’Aristote, il remplace le pluriel tropoi par l’image d’une forme figée, kharaktèr, le sceau utilisé pour la frappe des monnaies (voir le chapitre de M. Steinrück sur tropos dans Antike Formen, 2013). Bien que Catoni voie dans l’emploi de skhèma pour la figure géométrique chez Euclide un trait de vocabulaire du Ve siècle invitant à réviser la datation du traité, il est plus probable que le concept ait évolué, non sans lien avec l’histoire de la rhétorique qui fixe non seulement skhèma, mais même tropos du côté de la figure de style, de la figura latine, du trope (Quintilien), voire des lumina : la question a été explorée lors du colloque Skhèma / Figura, Formes et figures chez les Anciens, édité par M. S. Celentano – P. Chiron – M.-P. Noël, sous les trois angles que sont le lexique, la pratique et la théorie des figures.
Le skhèma qui nous intéresse peut se définir comme le point d’interaction entre les cinq niveaux d’une performance : le geste ou l’image comme fixation du geste, l’intonation ou courbe accentuelle, le melos ou réalisation mélodique par la voix et les instruments, le rhuthmos ou forme métrique, et les jeux phoniques. Nous proposons de préserver le lien entre le skhèma du IVe siècle et le tropos archaïque par la notion de « contour ». Contour du rythme métrique, en ce que la continuité du mouvement rythmique, comme le mouvement interne d’un côlon, y prime sur un schéma métrique figé, divisible en unités minimales. Contour accentuel, en ce que la mélodie des accents ne se réduit pas à une succession de sommets sans descente. Contour des mots, en ce que les séquences y sont envisagées dans leur succession, dans le mouvement que créent, par exemple, les échos phoniques (doupeesen de pesoon), plutôt que dans leur identité séparée. Contour de l’image, pour créer un pont entre la danse, le mouvement comme « image dans le temps », et l’image comme issue du mouvement : la ligne que nous voyons comme un contour figé est le résultat d’un mouvement du peintre qui s’est déroulé dans le temps – la calligraphie chinoise accorde ainsi une importance essentielle à la succession des gestes, similaire au maniement d’une épée, au moment de tracer le trait au pinceau.
Quant au rhèma, un terme du Ve siècle venu du domaine de la performance, il se situe, dans l’apprentissage de la langue, après les phthongoi, les sullabai, les onomata et avant le logos – toutes les étapes que parcourt la Cassandre d’Eschyle dans son chemin vers une parole prophétique efficace. Le rhèma constitue la première unité où l’énoncé acquiert un sens de vérité, ce qui, comme le rappelle Aristote dans les Catégories, n’est possible que dès lors qu’il est ancré dans la situation de communication. Le rhèma ne s’oppose pas au skhèma comme la forme au sens, couple dont la polarité présuppose l’existence d’un noyau séparé de sens, exempt de toute forme. Tout rhèma possède déjà une forme par la présence, explicite ou non, d’un sujet (ce dont on parle) et d’un prédicat (ce qu’on en dit). Il faut donc inclure dans la définition du rhèma, outre l’élément sémantique, l’organisation syntaxique, les temps verbaux, la disposition des mots, le volume verbal, et autres traits qui confèrent à un énoncé minimal sa cohérence. Le rhèma dans la danse ou la musique serait ainsi le mouvement par lequel s’exprime une action, un sentiment, le sifflement du python ou la victoire d’Apollon, par lequel un ethos ou un pathos se transmet au public à travers la performance, le rhèma dans l’iconographie le résultat figé de l’image en ce qu’elle devient un énoncé qui fait sens.
Notre but lors de cette rencontre est d’explorer les modes d’interaction entre skhèma et rhèma, en gardant à l’esprit que le « sens » d’un énoncé est avant tout issu de l’interaction : ce serait faire fausse route que privilégier un contenu sémantique confirmé peut-être par la syntaxe mais que les autres « ingrédients », les diverses couches de la performance, démentiraient. Cette interaction prend des formes différentes selon le type de performance (danse, musique, prose, poésie, théâtre, iconographie). Comme le rappelait F. Lissarrague lors de la 8e session de l’École de métrique antique sur « Les rythmes du rire », la lecture d’un vase demande, selon le même principe qui guide Bruegel dans sa toile Les proverbes flamands, de retrouver d’abord le rhèma correspondant à l’image pour déchiffrer les « blagues », les jeux de mots suggérés par le peintre. Une autre piste serait la distinction qu’énonce Aristoxène dans les Harmoniques entre continu (sunekhès) et intervallique (diastèmatikon), entre une mélodie linguistique (lektikon, logos), continue parce que le contour accentuel exclut tant les sauts d’intervalles que le maintien d’un même ton, et une mélodie chantée (odè), discontinue parce qu’elle admet des notes tenues et des sauts d’intervalles. Si chacun amène ses savoirs pour les communiquer aux autres, l’idéal serait de pouvoir analyser ensemble un extrait chanté-dansé (la partition de l’Oreste par exemple) et une phrase de prose (une période d’Isocrate ?) dans une table ronde.

Les propositions de communication (titre et résumé de 250 mots environ) sont à adresser à biraud@unice.fr. La date limite est fixée au 10 mars 2015.

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